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Céline Lazorthes, le flambeau


Céline Lazorthes


Céline Lazorthes est une « star » de la Tech française. Elle a fondé son entreprise directement en sortant d’école et vécu une success story peu commune. Cagnotte en ligne, solution de paiement… Céline n’a pas craint de s’emparer de sujets réglementés et s’est taillé une place de pionnière dans un milieu effervescent, en pleine crise de 2008.


Pionnière avec un -e-, ce qui constitue une autre lutte.


« J’ai cassé la courbe, peut-être pour mieux y revenir »

Céline n’est pas la seule star de sa famille : troisième génération d’une famille de médecins, elle compte un grand-père illustre (Guy), neurochirurgien spécialiste du cerveau, mondialement reconnu.


Ce qui aurait pu être un fardeau – la barre est placée très haut – ressemble plutôt à un flambeau, à saisir le moment venu. Et c’est précisément ce que Céline vient de décider de faire, en créant la deuxième entreprise de sa vie, cette fois-ci dans le domaine de la santé : il s’agit d’un outil d’aide à la décision pour les oncologues.


La start-up s’appelle Résilience. Céline et son associé Jonathan Benamou avaient pourtant juré qu’on ne les y reprendrait pas. Ils estimaient avoir déjà vécu le meilleur en termes d’entrepreneuriat, avec deux francs succès à l’aube de leurs 30ans – Leetchi pour Céline, PeopleDoc pour Jonathan.


Mais, au printemps 2021, Résilience a levé 5 millions d’euros. «Me voilà devenue Repeat Entrepreneur », sourit Céline. Je suis investisseuse dans une quarantaine de boîtes de la Tech, dont un tiers fondé par des femmes. Membre du Board pour SNCF et Iliad, la maison-mère de Free. »


« Je veux être comme elle »


Quand elle regarde en arrière, la jeune femme raconte un parcours d’étudiante dominé par les sciences. Deux ans de prépa en maths Sup-maths Spé, une école d’ingénieurs en informatique et le goût de démonter des ordinateurs avec son père.


« J’avais vraiment beaucoup d’attirance pour le web, mais à l’époque, il n’y avait pas de formation spécialisée. Un jour, j’avais vu un épisode de Capital avec Oriane Garcia, la fondatrice de Caramail, et je m’étais dit : “Je veux être comme elle.” J’avais 15 ou 16ans. »


Nous avons présenté Céline comme une « star » et c’est bien le cas, mais nous découvrons une star sans paillettes, au visage doux, les cheveux relevés, avec une grande maîtrise du récit personnel et une forme de vulnérabilité, assumée, qui la rend d’autant plus forte.


Se donner les moyens de ses ambitions


Elle n’hésite pas à s’exposer aux coups. En parallèle de ses études, avant même ses 20ans, elle travaille en agence de communication : chez DDB et Aïka, une start-up française fondée par Gilles Babinet. «Ensuite je me suis inscrite dans un Master spécialisé HEC, je ne me sentais pas assez armée pour m’engager dans le monde du travail sans formation marketing et commerciale. En France, on valorise beaucoup le diplôme. Ce n’était pas mal d’acheter un diplôme en seulement un an. J’ai souscrit à un prêt. »


On devine que Céline se donne les moyens de ses ambitions. Elle a d’ailleurs commencé de bonne heure : en CE1! Sa mère a été convoquée, car la petite troquait ses Palm Pilot. «Ça l’a plutôt fait rire. Elle-même, cardiologue dans un laboratoire pharmaceutique, tenait le magasin Benetton de Toulouse pendant le week-end. De mon côté, je surveillais qu’il n’y ait pas de vols. »


Gilles Babinet, version bonne fée


«Au départ, je n’avais pas envie d’entreprendre, simplement de bâtir et d’être libre, poursuit Céline. Mes expériences en agence de comm’ ont été à la fois instructives et dures. J’ai décidé de ne pas re-signer, mais j’ai appris énormément, notamment grâce à Gilles Babinet qui m’emmenait à tous ses rendez-vous commerciaux. Un jour, il m’a dit : “Tu vas faire de grandes choses, mais tu ne sais pas encore quoi.”


Cette phrase était comme une baguette magique au-dessus du berceau. J’avais eu l’idée de Leetchi en organisant le week-end d’intégration de ma promo, mais je n’imaginais pas deux secondes que je pouvais être entrepreneuse. Finalement, j’ai créé l’entreprise en plein milieu de la crise financière de 2008… Je venais d’être diplômée et il n’y avait pas de jobs : autant créer le mien. »


Résilience, elle, aura été fondée en pleine crise sanitaire. Céline raconte qu’elle était sortie de l’aventure Leetchi avec le sentiment d’avoir bénéficié de la chance du débutant. Elle avait revendu Leetchi et MangoPay (une solution de paiement pour marketplaces, titulaire d’un agrément bancaire) et entendait bien souffler un peu. « J’avais souffert de l’isolement, du poids des décisions du quotidien. J’avais été très exposée médiatiquement. Leetchi était le reflet de notre société, parfois généreuse, parfois dingue. Vraiment, je ne comptais pas récidiver ! J’avais eu suffisamment d’adrénaline – du moins je le croyais. »


"Il m’a fallu deux ans pour comprendre l’étendue de ce que j’avais appris."

Alors, qu’est-ce qui a finalement emporté sa décision? « Il m’a fallu deux ans pour comprendre l’étendue de ce que j’avais appris. Et pour saisir que tout ce que j’avais vécu était en réalité une préparation au lancement de Résilience. »


Céline est donc revenue sur le terrain, pour un projet qui jette des passerelles entre elle et son grand-père. Entre-temps, elle a eu un fils. «En quittant Leetchi, j’ai enlevé ma cape de superhéros, je l’ai posée sur les épaules des deux dirigeants qui ont pris ma place, et je me suis consacrée à ma famille. Entre mes 23 et mes 25ans, je n’avais fait que bosser, sacrifiant beaucoup ma vie personnelle. Une fois prouvé que moi aussi j’étais capable de faire quelque chose, je me suis accordé un répit. »


L’ombre de son grand-père n’est jamais bien loin. Mais c’est une ombre portée : qui tire vers l’avant.

Ce portrait est tiré du recueil : Ils font l’économie. Editions DeBoeck.

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Portrait rédigé avec ♡ par Florence Boulenger


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